Première van Milenka volgens Le Ménestrel
Correspondance de Belgique - Bruxelles, 8 novembre
Nous avons eu, cette semaine, une première à la Monnaie, - une vraie première: un ballet de deux auteurs belges, Milenka, scénario de M. Paul Berlier, musique de M. Jan Blockx. La partition de Milenka avait été déjà executée, l’an dernier, aux Concerts populaires; je vous en ai dit alors le très sérieux mérite et le très vif succès. Ce succès a décidé aussitôt la direction de la Monnaie de mettre l’oeuvre à la scène: et ainsi présentée, dans sa forme définitive, elle vient de réussir brillamment. Comme ballet cela n’a pas une très grande importance, - un acte seulement, - racontant l’histoire banale des amours d’un peintre et d’une bohémienne, avec ceci d’invraisemblable cependant, c’est que le héros rencontre l’héroïne en pleine Kermesse flamande, et l’épouse, s’il vous plaît, séance tenante…
Ces choses-là ne se voient qu’au théâtre. Quoi qu’il en soit de cette étrangeté du livret, celui-ci prêtait à certains développements musicaux, et le compositeur en a tiré le plus heureux parti; il y a mis de la verve, du mouvement et une couleur si franche que le public s’est “emballé” et a fait à ce petit tableau de genre, d’une saveur bien locale et, avec cela, d’une facture intéressante et d’une certaine richesse orchestrale, un accueil extraordinairement chaleureux. M. Blockx procède de M. Peter Benoit, bien qu’il n’en soit pas l’élève; sa musique a une allure très caractéristique, nourrie de vieux airs et de chansons populaires avec leurs rythmes accentués et leur naïveté charmante, dont un musicien adroit peut tirer tant de profit.
M. Blockx a été même jusqu’à faire chanter une de ces chansons populaires, au plein milieu de ses danses, par les choeurs. Ce mélange de chant et de chorégraphie n’est pas nouveau, mais l’effet en est heureux et il contribue largement, ici, à la coloration intense du tableau qu’il anime. Le chant populaire introduit par M. Blockx est un ancien chant de rhétoriciens flamands, dont on n’a pas été peu surpris de constater la très grande ressemblance avec le fameux chant, populaire aussi, celui-là ! du brav’ général : En revenant de la Revue... Je crois même que c’est cela surtout qui a fait trouver la chose si pittoresque et si réaliste.
S.[olvay?], L.[ucien?]: Correspondance de Belgique, in: Le Ménestrel, jrg. 54, nr. 46, 11 november 1888, p. 364-365.