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[Een recensie door de Antwerpse muziekrecensent, repetitor en pianist-begeleider Lucien Theuns (1922-2004) over de première in de Vlaamse Opera van Arthur Meulemans' laatste opera, Egmont, in 1960.]

La première de ce nouvel opéra flamand a été donnée sous les auspices du Kultuurraad voor Vlaanderen et a connu auprès d'une salle comble (où de nombreuses personnalités se remarquaient) un succès particulièrement chaleureux et significatif.

M. P. Knapen, président de l'Association, parut au début de la soirée devant le rideau pour rendre un vibrant hommage au compositeur Arthur Meulemans, qui a fêté dernièrement son 75e anniversaire et demeure une des dernières grandes figures de l'école lyrique flamande. Remerciant les personnalités officielles pour leur appui ou leur présence, M. Knapen eut également des mots de gratitude envers Madame Bolotine et sa troupe, qui ont réalisé l'ouvrage, ainsi que tous ceux qui contribuèrent à la réussite de cette entreprise. Il eut enfin quelques mots d'hommage pour l'épouse du compositeur et comme présent pour son jubilé, le maître se vit offrir la "création" de son opéra.

Nous avons, antérieurement, analysé cette nouvelle oeuvre lyrique. Nous confirmerons nos dires et l'impression générale d'ailleurs a été excellente. Egmont est un opéra, ou plutôt une succession de scènes musicales, d'un très caractéristique style flamand: c'est une oeuvre du terroir. L'orchestration chatoyante d'Arthur Meulemans n'est pas sans présenter (comme chez un De Boeck d'ailleurs) des affinités avec les impressionnistes ou l'école russe. Cette dernière d'ailleurs est assez sensible dans le style même de l'ouvrage, qui n'est pas sans évoquer la succession de tableaux de Boris Godounov, où, autour de personnages symboliques vit et souffre l'âme d'un peuple.

Ce rôle du choeur d'ailleurs est ici très significatif et leur expression au cours de diverses scènes est d'un grand relief et d'une couleur quasi breughelienne. Car l'oeuvre de Meulemans demeure essentiellement flamande, n'hésitant pas à y intercaler de vieilles chansons flamandes et les chansons des Gueux de l'époque. Depuis l'introduction orchestrale du prologue baignant dans une sonorité toute débussyste jusqu'au majestueux choral de l'apothéose, qui évoque les cantates des grands musiciens flamands, cet Egmont peut être considéré comme une des meilleurs oeuvres du genre et assurément le plus belle opéra de Meulemans.

C'est une page qui par son expression souvent lyrique et la couleur de son orchestre, saura plaire au public de chez nous. Chacun des interludes qui relient les tableaux, constitue d'ailleurs une réussite musicale qui sera pour beaucoup dans l'impression générale de l'ouvrage et nous avons particulièrement aimé le prélude au dernier tableau (la prison) dont l'expression et la couleur étaient particulièrement profondes et sincères, et qui fut d'ailleurs chaudement acclamé. Reconnaissons que Egmont a été monté avec des soins particuliers. L'orchestre surtout, s'est montré très à la hauteur de sa tâche et Frits Celis qui avait fort approfondi toute la partition, en a fait ressortir toute la couleur et le lyrisme, avec un très juste sentiment du dosage sonore, sans jamais couvrir les voix et obtenant de sa phalange une souplesse exemplaire dans les nuances.

La figure quasi légendaire de Lamoral d'Egmont a été sobrement réalisée par Antoon Huysman, qui n'y pas recherché des effets théâtraux et a montré en outre une belle maîtrise vocale, encore que son timbre même put être susceptible de plus de relief interprétatif, afin d'éviter la monotonie créée par un débit un peu trop uni. Tout le restant de la troupe a fait preuve d'une homogénéité réelle, très louable en pareille oeuvre. Andrea Nevry a été Sabine (la femme d'Egmont) avec tout le lyrisme voulu; Maryse Patris une Marguerite de Parme de réelle allure; Marcel Vercammen un Guillaume d'Orange typé avec soin; Tadeuz Wiersbicki un impressionnant Duc d'Albe; Peter Gottlieb, un évêque Rythovius d'une belle autorité. Louons également les interventions soignées de Mariette Dierckx (Béatrix de Bavière), Pierre Lanni (Berlaymont), Chris Van Warkom (Comte de Mendon), Frank Thauwez (Peter, représentant du peuple), Jan Stroobants (Johan), ainsi que les trois lansquenets pleins de relief de MM. Lemoine, Vermeersch et Zormar. Les choeurs enfin, nombreux, unis et sonores, animèrent chacune des grandes scènes d'ensemble et Walter Crabeels les avait dûment entrainés à une tâche certes ardue mais brillante.

La régie et la mise en scène d'Eddy Verbruggen donnèrent entière satisfaction, encore que tenue dans les règles d'un certain traditionalisme. Les décors sont sobres et dépouillés, ses costumes riches ou chatoyants et il réussit particulièrement les scènes d'ensemble qui créent des sortes de tableaux hauts en couleurs et en vie. Mais les autres scènes, avec le vide trop visible du plateau désert sont moins bonnes. Le prologue (le bivouac) avec ses éclairages de clair-obscur évoquait admirablement les toiles anciennes et il est dommage que M. Verbruggen n'ait pas repris cette formule dans toutes les autres scènes d'intérieur. Le final, avec ses projections fit une belle impression.

Le succès obtenu par l'oeuvre dès la chute du rideau fut très chaleureux: quand après tous les interprètes, le chef, le régisseur et le chef des choeurs, ce fut au tour du maître Meulemans à paraître en scène et d'être fleuri, l'enthousiasme atteignit son maximum et les acclamations rendirent à la fois hommage à l'oeuvre et à son créateur, visiblement ému. A l'issue du spectacle, une réception eut lieu, où nous avons dans la masse compacte des invités, pu discerner Son Excellence l'Ambassadeur de l'Union Sud-Africaine, M. de Ruiter Jordaan, le ministre P. Meyens, le secrétaire d'Etat des Affaires Culturelles, Van Elslander, le gouverneur Declerck, le gouverneur du Limbourg L. Roppe, le Consul des Pays-Bas, van de Mortel, des personnalités officielles anversoises, les présidents de diverses associations culturelles, les membres du Comité organisateur, des personnalités du monde artistique, de la radio et télévision, de la presse, etc. Souhaitons, enfin, à ce nouvel ouvrage national un accueil aussi vibrant auprès du public habituel du théâtre, que celui qu'on lui a fait pour cette première.

Theuns, L.: Création mondiale de l'opéra Egmont de A. Meulemans, in: Le Matin, 29 september 1960.