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Herbergprinses in Antwerpen

L.S. [Lucien Solvay?] en Emiel Wambach

[Op 10 oktober 1896 vond in de Vlaamse Opera in Antwerpen de wereldcreatie plaats van Jan Blockx' veristische opera Herbergprinses. Het zou Blockx' meest succesvolle opera worden. Mede dankzij de Parijse muziekuitgever Heugel werd Herbergprinses in vele belangrijke operahuizen opgevoerd. Dankzij de snelle pen van L.S. [Lucien Solvay] verscheen de recensie ervan eerst in het Parijse Le Ménestrel, een week later gevolgd door Emiel Wambach in het Brusselse Le guide musical, meteen Wambachs vuurdoop als recensent van dit belangrijke muziektijdschrift. Op het einde van zijn stuk brengt hij hulde aan zijn voorganger, de componist Arthur Wilford.]


Nouvelles Diverses
door L.S. [Lucien Solvay?]

Le Théâtre-Lyrique flamand d'Anvers a représenté samedi dernier l'oeuvre inédite de M. Jan Blockx, Herbergprincess (Princesse d'auberge), que je vous avais annoncée naguère. Ça été une véritable solennité, comme on n'en voit qu'en pays flamand, avec discours, ovations, palmes et embrassades; l'enthousiasme des peuples du Midi n'a rien de comparable à l'enthousiasme anversois quand il s'y met. Je me hâte d'ajouter que le succès remporté par l'opéra de M. Jan Blockx a été largement mérité. Le livret de M. de Tière est des plus simples, même un peu naïf : il s'agit de l'éternel combat entre l'amour pur et l'amour vénal, entre le bien et le mal. Un jeune musicien, Merlin, abandonne sa fiancée pour une princesse de cabaret, rusée et fascinatrice ; la fiancée essaie en vain de reconquérir son amant, et le drame se termine par une scène de meurtre d'où il appert qu'en ce monde la vertu est rarement récompensée, mais le crime toujours puni.

Sur le sujet, prêtant à des épisodes populaires et réalistes, plein de mouvement, et en somme très musical, le compositeur a écrit une partition franche d'allures, nourrie de thèmes originaux, et, avec cela, travaillée d'une façon intéressante, par l'emploi de thèmes caractéristiques qui ajoutent à la couleur de l'oeuvre sans l'alourdir cependant. Cela procède de Wagner, mais est bien personnel à l'auteur, reconnaissable dans son inspiration mélodique très abondante, sinon toujours très raffinée. On a dit de M. Jan Blockx que c'est le Teniers de la musique ; la comparaison est juste ; il a la corde populaire et il la fait vibrer avec habileté et avec éclat. Il y a notamment, au deuxième acte, une grande scène pittoresque de kermesse, avec carillon, danses et chants, d'une animation étourdissante. Il est à peu près certain que le public bruxellois sera convié à apprécier bientôt la Princesse d'auberge de MM. De Tière et Blockx, l'ouvrage étant dès à présent traduit en français et prêt à être représenté.

Correspondances - Anvers
door Emiel Wambach

[...] Au Théâtre-Flamand, le gros événement a été la première représentation de Herbergprinces de MM. Blockx et Detière. Le compositeur est, dit-on, enchanté de son livret ; le librettiste n'est pas moins satisfait de son musicien. Heureuse entente! Accord parfait! Il y a gros à parier que M. Blockx avait demandé à M. Detière [De Tière] la scène du carnaval, qui ne gâte rien du reste, et lui a fourni ainsi le moyen de demeurer dans la gamme qui lui est chère, de renouveler les pages populaires du Kermisdag et de Milenka.

Quant à la pièce, elle n'est pas pour y mener les petites filles. Les auteurs ne se sont préoccupés que de créer un drame réaliste où toutes les passions, tous les sentiments humains seraient mis en oeuvre et qui offrirait de vigoureux contrastes entre les différentes scènes, courtes et vivantes ; il y a même quelques mots un peu crus. L'héroïne est une Carmen qui fait beaucoup de mal à tous ceux qui l'approchent. Merlyn devient un vaurien. Babo se fait meurtrier, et l'action se déroule dans un milieu qui n'est pas des plus nobles. Réalisme, soit. Mais on se demande s'il ne serait préférable pour nos jeunes auteurs de s'inspirer de sujets plus poétiques, tirés de nos légendes, qui sont assez belles et assez nombreuses pour alimenter largement leur imagination.

Quant à la partition, M. Blockx y a dépensé tout le fonds de son savoir faire. Il y a même un dessous assez amusant. Parmi les Flamands et flamingants du cru, on répétait depuis longtemps que M. Blockx avait une revanche à prendre, son Maître Martin n'ayant été qu'un demi-succès au théâtre de la Monnaie ; on ne pouvait pardonner à un Anversois d'avoir écrit une partition sur un texte français et, circonstance aggravante, pour une scène bruxelloise. Nous en sommes encore ici à ces rivalités de clocher. Enfin, la revanche est prise, et haut la main, Anvers respire !

L'oeuvre musicale est du reste remarquable à plus d'un titre. L'auteur procède à la manière de Wagner, on sent bien que Tristan ne lui est pas inconnu ; il ne pourra non plus renier son maître Peter Benoit ; certains effets d'orchestre font songer à la Charlotte Corday de celui-ci.

Quant au carillon, il devrait être placé au fond du théâtre; tel qu'il est là, il étouffe une foule de jolies choses, surtout au finale du second acte, où plusieurs thèmes sont en présence. Ce finale est de toute beauté, la mise en scène est bien réglée. Il y a du progrès au Théâtre-Flamand, car toutes les oeuvres nationales n'ont pas toujours eu les mêmes soins. Nous nous demandons pourquoi l'auteur n'a pas traité l'aubade du premier acte dans le style de l'époque? C'eût été un bon contraste. La mélodie qui caractérise Rita, est d'une perversité endiablée. En revanche, les scènes de la mère sont très dignes ; les cuivres appuient avec solennité ses paroles graves. Une bien belle chose encore : la ballade que chante Rheinilde, et qui se termine par un sanglot. L'effet est très impressionnant, intense.

A remarquer aussi le prélude du troisième acte, qui synthétise toute l'oeuvre. Ce troisième acte est prestement enlevé ; trois, quatre scènes violentes se suivent : d'abord l'imprécation de Rabo, puis la mère de Merlyn venant dans le lupanar, chercher son fils ; la rixe où Rabo tue Merlyn, l'anathème du peuple flétrissant Rita, la mort de Merlyn, tout cela est dramatique et la musique rend avec justesse et force d'accent la véhémence de ces scènes.

La partie comique ou grotesque est représentée par un certain Bluty, qui du premier acte jusqu'à la fin de l'ouvrage ne cesse pas d'être dans les vignes du Seigneur. Les ivrognes sont bien un peu nombreux et c'est un des bas côtés du poème. Mais n'oublions pas que nous sommes au pays des ripailles. Le succès de Herbergprinces, en somme, a été considérable, et il se maintient. Me sera-t-il permis d'en reporter une partie à Peter Benoit, qui fut le maître et l'initiateur de Jan Blockx ? Sans lui, le mouvement national, déjà si vivant, n'aurait jamais existé. Si nous subissons encore quelques influences, auxquelles il est difficile de se soustraire, nous parviendrons bien avec de la volonté et de lénergie, à affirmer notre personnalité.

Avant de terminer cette première lettre, il me reste à rendre hommage à celui à qui je succède ici, mon ami Arthur Wilford, le fondateur des concert populaires ; par la courtoisie, l'honnêteté artistique et le tact de parfait gentilhomme qui distinguaient ses correspondances anversoises au Guide Musical, depuis plusieurs années, il s'était assuré une autorité très redoutée. Puissions-nous continuer ces excellentes traditions ! C'est là notre désir le plus ardent.

S.[olvay ?], L.[ucien ?]: Nouvelles diverses - Etranger, in: Le Ménestrel, jrg. 62, nr. 42, 18 oktober 1896, p. 334. & Wambach, E. : Correspondances - Anvers, in: Le guide musical, jrg. 42, nr. 43, 25 oktober 1896, p. 695.