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Auguste Gevaert
door Félicien Gretry

Le célèbre compositeur belge, Auguste Gévaert, directeur du Conservatoire de Bruxelles, est décédé le 24 décembre dernier, des suites d'une congestion pulmonaire. Le monde artistique en France et en Belgique le tenait en une grande estime méritée par son double labeur de compositeur et de musicographe. Le roi Léopold l'avait fait baron. Il était commandeur de la Légion d'honneur.

FRANÇOIS-AUGUSTE GEVAERT naquit à Huysse, aux environs de Gand, le 31 juillet 1828; il était le fils d'un boulanger. On a raconté que, dès l'âge de treize ans, sa vocation musicale était affirmée; il en fournit, tout jeune, les signes les plus évidents. Il étudie au Conservatoire de Gand, puis à celui de Bruxelles. Il obtient le prix de Rome en 1847. A dix-neuf ans, il fait jouer à Gand son premier ouvrage: Hugues de Zennorghem. En 1849, il voyage, grâce au bénéfice de son prix de Rome, et parcourt la France, l'Italie, l'Allemagne, et l'Espagne. Il semble bien que ce furent la France et l'Italie qui impressionnèrent le plus efficacement son talent naissant. Jusqu'en 1870, il élit domicile à Paris, et sa carrière de compositeur dramatique s'y accomplit.

Il fait jouer au Théâtre-Lyrique, en 1853, un petit opéra-comique, Georgette; il donne ensuite, au même théâtre, le Billet de Marguerite et les Lavandières de Santarem. Il compose une cantate flamande, exécutée en juillet 1857, pour le vingt-cinquième anniversaire du règne de Léopold Ier. Il fait représenter, en 1858, à l'Opéra-Comique, Quentin Durward, le Diable au moulin (1859), le Château-Trompette (1860), et enfin le Capitaine Henriot (1864), le meilleur de tous ses ouvrages dramatiques, celui, aussi, auquel le succès s'attacha le plus longtemps. Le livret du Capitaine Henriot et celui de Quentin Durward étaient de Victorien Sardou.

L'oeuvre de Gévaert relève, presque entièrement, du genre de l'opéra-comique français; il en eut l'inspiration aimable et mélodique, et, aussi, le ton doucement conventionnel. Mais il y apporte une robustesse d'écriture, une science harmonique dont l'edit genre de l'opéra-comique n'est pas toujours significatif. Ce qui manque surtout à son talent, c'est ce que l'on appelle du « tempérament ». Grand admirateur et connaisseur des classiques, il apparaît que Gévaert se subordonne trop exclusivement à bien faire selon leur immortel exemple. D'où, dans tous ses ouvrages, quelque chose de guindé, de réminiscent, et comme de la timidité.

Gévaert fut nommé directeur de la musique à l'Opéra en 1867; il occupa ce poste jusqu'en 1870. En 1871, il remplaça Fétis comme directeur du Conservatoire de Bruxelles. A partir de cette époque, Gévaert se consacre presque exclusivement à la rédaction d'ouvrages théoriques. On avait déjà de lui une Méthode pour l'enseignement du plain-chant, en 1863, et un Traité d'instrumentation; il avait déjà commencé son ouvrage Histoire et théorie de la musique dans l'antiquité, qui devait, quelques années plus tard, le classer définitivement parmi les premiers théoriciens et historiens de la musique. On a de lui un Recueil des Chansons du quinzième siècle, en collaboration avec Gaston Pâris, un Cours méthodique d'harmonie, une Etude sur les Origines du chant liturgique, un Grand Traité d'harmonie théorique et pratique et Les Problèmes musicaux d'Aristote. Il y faut ajouter un grand nombre de compositions chorales, ses récitatifs pour Fidelio, un Hymne congolais, etc.

Il est une autre face de la carrière de Gévaert qui vaut bien d'être considérée: son effort de chef d'orchestre. Il dirigea, à Bruxelles, de fréquents concerts dont les chefs-d'oeuvre classiques composaient le programme. Il les fit valoir par une interprétation très respectueuse, à laquelle on ne peut reprocher qu'un peu trop « d'ornements », si je puis ainsi dire. La vie et l'oeuvre d'Auguste Gévaert composent un exemple d'une admirable probité. Les récitatifs qu'il composa pour Fidelio, ses recueils d'airs classiques, où il ajouta trop souvent des agréments singuliers, ont pu ne pas combler tous les goûts. On peut trouver qu'il fit du classique une conception trop pompeuse, partant un peu lourde, et nuisant à la vie des chefs-d'oeuvre.

Je sais bien qu'en composant ses recueils de chant classique, Gévaert voulut surtout fournir aux élèves la matière du meilleur travail vocal, en leur proposant les plus illustres exemples. Son choix fut des plus judicieux. Mais que d'abus: tant d'appogiatures ajoutées, de vocalises déconcertantes, tout cela excellent pour exercer la voix, c'est entendu, mais néfaste à la compréhension exacte des classiques. Je parle d'expérience. Ma première connaissance de Gluck (cela est d'une époque déjà ancienne) s'étant faite par une lecture d'un recueil de Gévaert, où figurent plusieurs airs du grand maître viennois, je fus longtemps abusé quant au style de ce musicien.

Plus tard, quand certaines de ses partitions originales me furent connues, ce fut une véritable révélation: et combien différente du style que je m'étais imaginé selon Gévaert. C'est que ce très probe musicien était, comme on dit, de son époque, où la préoccupation vocale primait toute autre préoccupation musicale. On a peut-être depuis trop abondé dans l'autre sens: la vérité n'est point là; mais il faut bien avouer qu'elle n'était pas non plus chez Gévaert. Une réaction s'est opérée depuis, contre lui, dans l'enseignement; il ne faudrait pas, pourtant, l'exagérer; car beaucoup est à retenir de l'oeuvre didactique du maître belge qui vient de mourir.

Ce qui n'est pas niable, c'est que, dans cette conception des classiques, Gévaert fut sincère, et ce qu'il estimait l'intérêt de l'art seul l'inspira. Sa renommée ne se fonda que sur les raisons les plus hautes et les plus nobles; et jusqu'à son dernier souffle il aura servi de toutes ses forces l'art où, si précocement, il avait excellé. Un souvenir impérissable, d'affection, de respect et de gratitude, est dû à ce grand artiste, épanoui chez un grand honnête homme. Gévaert s'éteignant, c'est une époque de l'art musical qui s'efface. Il n'était pas une reprise d'un chef-d'oeuvre de Gluck ou de Beethoven où son souvenir ne fût associé. Ceux-là mêmes qui ne se faisaient pas des classiques le même idéal que Gévaert prisaient hautement ses conseils et sa direction. On sentait, on savait qu'il les aimait d'un amour pieux et profond, et que leur mémoire était en lui, comme une flamme pure au sein d'un temple.

Il suffit d'en effacer quelques légers préjugés qui obscurcissaient son culte, pour qu'il nous reste de lui le plus noble et le plus vivifiant exemple. On avait désigné, pour lui succéder à la direction du Conservatoire de Bruxelles, M. Edgar Tinel, l'auteur de Katarina, que la Monnaie va représenter en février; M.G. Huberti, professeur de composition musicale, membre de l'Académie de Belgique, ou M. Paul Gilson, compositeur très justement renommé. C'est M. Edgar Tinel qui a été élu. C'est un musicien de grande science et d'une réelle valeur; on ne pouvait faire un meilleur choix.


F.-A. Gevaert
door de redactie van Le guide musical

Il y a un an, à peine, à l'occasion du soixante-quinzième anniversaire du Conservatoire de Bruxelles, nous rappelions dans cette revue, les rares mérites du musicien en du théoricien illustre que le Roi Léopold venait de créer baron [1].

Le vénérable maître qui, le 31 juillet avait atteint à sa quatre-vingtième année, s'est éteint doucement le 24 décembre, emporté par une broncho-pneumonie qui l'avait, il y a quelques semaines, contraint de s'aliter après une répétition au Conservatoire. Cette mort est un grand deuil pour la Belgique musicale et creuse un vide profond, encore que Gevaert eut eu le privilège exceptionnel d'accomplir toute son oeuvre. La haute autorité que lui avait acquise sa supériorité intellectuelle et son savoir universel, l'expérience consommée que sa longue pratique de l'art lui avait assurée, ses remarquables travaux d'érudition et de science musicale, tout avait contribué à faire de lui le prince de la musique dans son pays. Son influence ne s'était pas bornée aux limites de celui-ci. Elle rayonnait au loin, par delà les frontières de la Belgique, dans tous les pays où le culte de la musique est répandu. Si Gevaert n'eut pas le don absolu de la création dans le domaine de la composition, il n'en est pas moins une des plus hautes personnalités de l'art contemporain par le nombre et la valeur exceptionnelle de ses travaux de musicographie.

Dans le champ de la pratique, inappréciables sont les services qu'il a rendus à son pays. Lorsqu'en 1871, il fut appelé à la direction du Conservatoire royal de Bruxelles tout était à réorganiser dans cet établissement. Il y fonda des cours nouveaux, institua les études parallèles qui ont si puissamment contribué à relever le niveau de l'éducation musicale; il fonda la Société des Concerts du Conservatoire à l'imitation de celle de Paris; enfin grâce à son initiative et à son influence, les écoles de musique existantes furent reformées sur des bases plus pratiques et de nouvelles écoles furent ouvertes un peu partout. En somme, c'est en grande partie à l'influence de Gevaert qu'est dûe la magnifique efflorescence de l'art musical en Belgique.

Comme directeur des Concerts du Conservatoire, son action fut plus décisive encore au regard de l'éducation esthétique du public. L'audition des grandes partitions de Bach, Haendel, Palestrina, Marcello, Beethoven; la restitution des oeuvres de Gluck au Conservatoire d'abord, au théâtre de la Monnaie ensuite, la formation d'un choeur mixte incomparable, la discipline introduite à l'orchestre, sa haute intellectualité enfin assurèrent un éclat extraordinaire à ces auditions du Conservatoires, bientôt célèbres dans toute l'Europe, et auxquelles des maîtres illustres accouraient de toutes parts, comme auditeurs.

Bref, il n'est aucun domaine de l'art musical dans lequel son influence ne se soit exercée de la façon la plus heureuse et avec une supériorité universellement reconnue. Né à Huysse, près d'Audenarde, le 31 juillet 1828, élève de de Soomer et de Mengal au Conservatoire de Gand (1841-47), puis de Fétis à Bruxelles, il obtint le prix de Rome en 1847; il parcourut ensuite l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et se fixa finalement à Paris (1857); il s'y fit rapidement une situation en vue parmi les jeunes compositeurs, si bien qu'en 1867, Charles Perrin l'appelait au poste de directeur du chant en de la musique à l'Opéra. Il l'occupa jusqu'à la fin de 1870 et revint alors à Bruxelles, où peu après, il était appelé à la tête du Conservatoire de Bruxelles (1871), dont il fut ainsi le directeur pendant plus de trente sept années.

NOTEN
[1] Voir le Guide musical du 10 novembre 1907.

Grétry, F.: Auguste Gevaert, in: Musica, nr. 77, februari 1909, p. 29 & N.N.: F.-A. Gevaert, in: Le guide musical, jrg. 54, nr. 52, 27 december 1908, p. 347-348.