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On parle beaucoup dans nos journaux flamands, et en connaissance de cause, de Charlotte Corday. On s’occupe moins de Philippina. C’est à tort. Outre sa valeur intrinsèque, ce drame lyrique a encore un autre mérite. Quoique les deux œuvres aient paru le même jour aux feux de la rampe, marquant ainsi un double pas de l’art néerlandais dans une nouvelle voie, on doit cependant reconnaître que l’initiative appartient à Philippina et à ses auteurs, au point de vue littéraire et musical. Depuis longtemps, M. Delcroix caressait le rêve de voir monter sa pièce comme essai de mélodrame. L’été dernier déjà, M. Van Gheluwe fut chargé d’en composer la musique. S’il y a du mérite à avoir enrichi notre art dramatique du mélodrame historique, - et à notre avis ce mérite est grand; car c’est là comme une préparation à l’opéra, - l’honneur en revient plus aux auteurs de Philippina qu’à ceux de Charlotte Corday.

La représentation des deux pièces ne doit pas servir de terme de comparaison, surtout en ce qui concerne la musique. C’est cependant ce qu’ont fait d’une façon erronée mais bien involontairement, sans doute, différents organes de notre presse flamande. Quelques mots d’explication sont, à notre avis, nécessaires pour rétablir les droits de M. Van Gheluwe. Vers la fin de l’été dernier, quinze jours à peine avant l’ouverture du Nationaal Tooneel bruxellois, M. Van Gheluwe fut invité avec insistance à composer la musique nécessaire pour la nouvelle pièce Philippina Van Vlaanderen, ouverture, entr’actes, symphonie préparatoire au tableau de la bataille, chœurs et airs. Au moyen de cette œuvre, on voulait prouver la vitalité du théâtre national à Bruxelles. Pour cela, il fallait quelque chose de neuf, on le trouva amplement dans Philippina, ornée surtout de musique. M. Van Gheluwe, sacrifiant à un puissant intérêt national son propre intérêt d’artiste, accepta la tâche. Ce que l’on peut faire en quinze jours de temps au milieu de beaucoup d’autres occupations, il le fit. Disons cependant que les organisateurs du théâtre de Bruxelles ne mirent d’abord à sa disposition qu’un demi-orchestre et que la musique fut conçue et composée en vue de ces faibles moyens d’exécution. Ce qu’on peut faire dans de telles conditions, M. van Gheluwe le fit et il le fit bien : la preuve en est dans l’impression que sa musique ne cesse de produire.

La représentation de la pièce fut retardée de plusieurs mois. Si l’on avait donné au compositeur l’occasion de refaire dans l’intervalle son ouvrage ou plutôt de le faire, tout aurait bien marché. Mais de semaine en semaine, de mois en mois, la représentation était annoncée comme prochaine, ce qui naturellement ne permettait pas de songer à remanier la musique. Cependant l’orchestre s’était complété, et ce qui avait été écrit pour un demi-orchestre, devait être exécuté par un orchestre entier. On comprend facilement que, dans de telles conditions, M. Van Gheluwe ait refusé de laisser mettre son nom sur le programme. On l’a fait cependant: c’est une mauvaise récompense du service rendu par l’habile compositeur à l’administration du théâtre de Bruxelles, surtout que la représentation, donnée en même temps que celle de Charlotte Corday, mettait en comparaison une musique de circonstance, inachevée, avec l’œuvre puissante, bien mûrie et bien méditée de Benoit.

Néanmoins, la symphonie pour la bataille a, de même que le morceau final, produit de l’effet. C’étaient aussi les seules parties que le compositeur avait un peu travaillées dans les limites du possible et avec les ressources qui lui étaient laissées.

"O.": Philippina van Vlaanderen, in: La Belgique musicale, jrg. 22, nr. 15, 13 april 1876, p. [3].