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Première van Milenka volgens Le Guide musical

E.E. [Edmond Evenepoel?]

Bruxelles. Reprise de Philémon et Baucis - Première représentation de Milenka, de Jan Blockx

[...] Sans doute, le public était accouru nombreux pour assister à la reprise de Philémon et Baucis; mais il est permis de croire aussi que l’attrait d’une nouveauté chorégraphique entrait pour quelque chose dans l’empressement de ce même public. Milenka, l’oeuvre de M. Jan Blockx, qui formait la deuxième partie de la représentation de samedi, n’était pas inconnue, puisqu’on en avait eu le primeur à l’un des concerts populaires donnés l’hiver dernier. Toutefois, sous sa forme première, ce ballet symphonique ne comportait pas suffisamment de musique dansée pour être un vrai ballet bien orthodoxe. Il a donc fallu se remettre à l’ouvrage, ajouter un prologue à la Kermesse et à la Sérénade, qui étaient les parties primitives du texte imaginé par M. Paul Berlier, et intercaler, là où le besoin s’en faisait sentir, quelques morceaux de rythme sautillant.

Nous avons retrouvé l’impression de couleur locale très intense qui se dégage de la musique de M. Blockx, et que la mise en scène du théâtre de la Monnaie vient très heureusement expliquer. Il existe une conformité parfaite entre le sujet et son interprétation symphonique. Aux manières d’être peu raffinées des réjouissances populaires flamandes, se prêtent les thèmes lourds et caractéristiques, le déchaînement bruyant, le tutti formidable mêlant ensemble des chants divers. Comme opposition, voici la phrase amoureuse du peintre Wilhem épris de noble dame Yolande; les séductions de Milenka, la bohémienne; la scène bouffonne (écrite pour deux bassons) entre Riesencraft, le sigisbée de la belle Yolande et Zafari, frère et barnum de la Zingarelle, etc. Tout cela tient de la robustesse vivante d’un Adrien Brauwer ou d’un Craesbeek plus encore que du maniérisme relatif d’un Teniers. C’est un art sanguin, sur l’ethnographie duquel on ne saurait se méprendre et qui, l’autre soir, a positivement électrisé l’auditoire, que la musique de Gounod venait de plonger dans une douce quiétude.

La direction s’est mise en frais pour donner à la partition de M. Blockx un cadre animé, conforme à l’esprit de l’œuvre et au milieu pittoresque où l’action se passe. On a goûté tout particulièrement une danse paysanne pour laquelle danseurs et danseuses sont chaussés de vrais sabots. C’est neuf, original et bien en situation. Ici, l’auteur de Milenka peut se flatter d’avoir été traité plus respectueusement que Richard Wagner; au moins ne lui a-t-on pas imposé des marcheuses en jupes courtes et en maillot. Que ne peut-on faire bénéficier les Maîtres Chanteurs de cette heureuse tendance à s’écarter des "sentiers" de la routine. Les petites bourgeoises de Neremberg ont certes des titres aux mêmes égards que les maraîchères d’Anvers, lorsqu’il s’agit de la vérité scénique, et Richard Wagner peut revendiquer à l’égal de M. Blockx et de M. Berlier des scrupules de mise en scène qui ne jettent pas la confusion et l’ahurissement dans l’esprit des spectateurs!

L’introduction des chœurs dans le ballet de Milenka est d’un effet très réussi. Plutôt que de faire danser des groupes de rhétoriciens, les auteurs leur ont fait chanter, une vieille chanson d’étudiants; c’est à la fois naturel et brillant, et cela ajoute encore plus d’entrain à l’animation de la kermesse.

L’héroïne de l’histoire ne pouvait être que Mlle Sarcy, la sémillante ballerine qui occupe à la Monnaie le plus haut grade et, dans l’estime des connaisseurs, la première place. Elle a dansé et mimé le rôle de Milenka, avec un brio charmant, une grâce tant soit peu nerveuse qui plaît, et des audaces de virtuosité qui étonnent.

On a fait à M. Blockx une longue ovation après l’exécution de son ouvrage. Appelé sur la scène, le jeune musicien anversois ne s’est pas laissé prier longtemps; il a savouré tout à l’aise son triomphe, et le public regagnait déjà les issues que le compositeur prodiguait encore des saluts de tête à droite et à gauche. Contrairement à l’adage connu, M. Blockx peut se vanter d’être prophète en son pays.

Le succès unanime de Milenka est d’un excellent augure pour le succès futur de Richilde, que l’on va s’occuper très sérieusement, à présent, de mettre en scène.
E.E.

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A propos de Milenka, relevons une bien piquante bévue des jeunes soiristes à qui des directeurs indulgents ont eu l’imprudence de confier la critique théâtrale dans leurs gazettes quotidiennes.

M. Jan Blockx, au moment où le cortège des rhétoriciens entre en scène, fait chanter par ceux-ci une vieille chanson d’étudiants: Ha, ha, ha ! Valete, studia. Nos éminents critiques ont tous deux pris ces paroles latines pour des vers flamands! Ont-ils l’oreille fine!

E.E. [Edmond Evenepoel?]: Bruxelles. Reprise de Philémon et Baucis - Première représentation de Milenka, de Jan Blockx, in: Le guide musical, jrg. 44, nr. 45, 8 november 1888, p. 286.