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Masque viril, bouche un rien narquoise, des yeux étincelants, pleins de la plus généreuse ambition, un goût des plus rares dans la pure amitié, volonté indépendante et tenace: un caractère - l'un des plus beaux que je connaisse. Et le don de modestie.

Esprit juste, cœur loyal, je tiens Maurice Schoemacker pour incapable de ces petites vilenies fréquentes dans le monde si décevant des artistes - et auxquelles ne se prêtent, dit-on, que les natures médiocres. Un homme enfin, et fermement décidé à défendre ses chances, qui sont grandes. Réussira-t-il? Le certain est que son nom est déjà familier à tous les musiciens qui voient en lui une des personnalités des plus puissantes de la jeune école flamande.

Il est, remarquait le regretté Georges Eekhoud, de cette vigoureuse et sanguine lignée flamande à laquelle nous devons tant d'œuvres copieuses et corsées. Combien juste! Ses œuvres les plus significatives valent, en effet, par la fougue entraînante, un brillant merveilleux, la vie rythmique autant que par le coloris rubénien, la verve joyeuse et drue, enfin par cette truculence particulière aux Flamands. Puis-je ajouter que les initiés vantent non moins sa science architecturale (parbleu!... un élève de Gilson!), l'ingéniosité qu'il montre dans les développements et dont la liberté parfois déconcerte et puis encore cette langue hardie et sûre, ce beau métier qui sera l'honneur de sa carrière.

Aime le descriptif, comme tous ceux de sa race. Son œuvre maîtresse en offre peut-être l'exemple le plus frappant, ces pages uniques dont Paul Gilson, jamais très enthousiaste, disait pourtant: "à côté du Feu d'Artifice de Schoemacker, celui de Strawinsky paraît assez pâle".

Curieuse cette remarque: à son avis, c'est une sorte de feu d'artifice... sentimental dans lequel fusées, moulins, gerbes, bouquet final, décrivent des états d'âme plutôt que des étincellements pyrotechniques. Hippocrate dit oui, mais Galien...

Accord parfait sur ce point, c'est que l'ouvrage reste sans équivalent dans la production belge de ces dernières années. L'œuvre, dont le capitaine Prévost discerna l'un des premiers l'exceptionnelle qualité, eut d'ailleurs une carrière heureuse: elle fut jouée un nombre invraisemblable de fois dans les principaux centres musicaux européens, en Amérique et... même en Belgique - tout arrive!

Il arriva même cette chose inattendue: la consécration officielle. Le poème symphonique de Schoemacker fut, en effet, classé premier parmi les ouvrages destinés à être édités par les soins de la Fondation Reine Elisabeth.

Heureux, très flatté, protesta un jour Schoemacker - et c'est un peu le cas de Rachmaninoff dont le fameux Prélude, qui le rendit célèbre comme compositeur, a été joué quelques milliers de fois - mais enfin - je n'ai pas écrit "que" cela. Cessez le feu! Et c'est vrai. Bagage important? En consultant le catalogue de ses ouvrages on constate que ce travailleur silencieux et infatigable est un compositeur singulièrement abondant.

Il écrivit pour le théâtre: Swane, drame lyrique en 3 actes, d'après un conte de caractère panthéistique: Het Woud, de Stijn Streuvel [sic], et où l'atmosphère joue un rôle si capital. Précisément, ce que Schoemacker a su rendre si bien: l'atmosphère rustique et légendaire dont il est imprégné; c'est aussi le culte ardent de la nature qui s'y divulgue et c'est enfin, mais pour une part moins grande, le côté pittoresque et truculent où il atteint à un style si souple et si fort.

Pour le théâtre encore: Le Roi Boit, un ballet qui vaut surtout par la couleur folklorique et... le désir de s'évader du vocabulaire usuel. Il fut donné à Anvers d'abord, puis avec un succès non moins grand à la Monnaie. Mais ici, sur un texte chorégraphique discutable de M. Ambrosiny.

Outre la musique de scène pour Pan, de Charles Van Lerberghe ("lyrique et descriptive, comme le poème de la vie libre et ardente chantée par le poète"), notons en préparation, Le Retour Imprévu, opéra-bouffe en trois actes. Pour orchestre symphonique: Scherzo, Deux Fantasques, Variations Symphoniques, Feu d'Artifice, Symphonie de Chambre, Rhapsodie flamande, Le facétieux Voyage où, dans un cadre d'une heureuse proportion, l'auteur laisse courir une inspiration gravement plaisante et, au dernier volet du tryptique (Danse de Clergyman) impétueusement joyeuse.

Pour musique de chambre: Un Quatuor, un Trio, pièces pour piano: enfantines et 5 rythmes, des chœurs, des mélodies dont un Psaume dédié à Jane Zenska. On en aimera le lyrisme, la noblesse expressive et la grandeur décorative: le musicien qui a signé cela est un maître.

Dewever, F.: Maurice Schoemacker, in: Le Thyrse, revue d'Art et de Littérature, jrg. 36, nr. 5, 1 mei 1934, p. 195-196.